Dominique Wavre a subi hier sa première grosse difficulté de ce Vendée Globe ; il nous l’a décrite en détails ce matin par téléphone.
« Lorsque le point d’amure du gennaker a lâché, la voile, dont le bord d’attaque est normalement tendu et plat, s’est transformée en « spinnaker », ou en bulle, ronde et incontrôlable, tantôt gonflée puis battant furieusement contre le mât, les haubans… J’ai évité le départ au lof de justesse.
J’ai dû me rendre à l’avant du bateau, jusqu’à l’extrémité du bout-dehors. C’était extrêmement difficile, au cœur d’une nuit noire, avec 25 nœuds de vent et la voile qui battait dans tous les sens. J’ai dû me battre comme un fou pour ramener l’amure sur le pont, puis pour affaler les 330 mètres carrés de toile, petit bout par petit bout, en sécurisant la toile affalée au fur et à mesure. Avec le recul, j’aurais dû mettre un casque ; je me suis fait bastonner, c’était très violent. Par contre j’étais harnaché, c’était une manoeuvre assez dangereuse car le tissu, en battant, aurait pu m’éjecter du bateau. La voile battait tellement fort qu’elle a arraché le balcon avant et cassé une filière ; j’avais peur qu’elle ne casse tout. Mais au bout du compte, je m’en sors plutôt bien. Ça aurait pu être bien pire.
A un moment, j’étais à deux doigts de tout larguer par-dessus bord, en coupant la drisse et les écoutes. Mais je me suis accroché ; une fois que j’avais affalé les trois quarts de la voile, j’ai pu commencer à la bourrer dans la soute, en passant par le capot avant, en bourrant la voile comme je pouvais, avec les pieds.
Maintenant, le gennaker est dans la soute avant, en boule, c’est le bordel absolu. Il a fait au moins 200 tours sur lui-même, il est trempé ; c’est clair qu’il est inutilisable jusqu’au prochain calme plat. Là, je pourrais défaire les tours et réparer ce qui doit l’être. Je vais donc être pénalisé au portant dans le petit temps et le médium. Par contre, dans des conditions telles que celles que l’on rencontre maintenant, il n’y a pas de problème. J’avance à fond, par 30 nœuds de vent, sous petit gennaker.
Physiquement, j’ai bien récupéré de cette épreuve. J’ai commencé par changer tous mes habits, car j’étais trempé des pieds à la tête, puis je me suis octroyé quatre ou cinq séances de repose de 45 minutes. J’ai dû dormir au moins trois heures et ça m’a fait beaucoup de bien. Là, je suis de nouveau en pleine forme.