Le skipper du Mirabaud a effectué deux conférences et rencontré le public québécois, avant de répondre aux questions du journaliste Daniel Lévesque.
Quand on rencontre Michèle Paret et Dominique Wavre, on comprend mieux pourquoi tant de gens leurs portent respect et admiration. Le couple est généreux de son temps pourtant précieux. La passion de la mer est aussi grande que celle qui consiste à partager l’aventure avec le public.
Et des aventures à partager, il y en a. Quand cela vient en plus de l’un des navigateurs les plus expérimenté du circuit IMOCA, au moment même où par surcroît, les jeunes poussent dans le dos des vétérans, si Dominique Wavre a encore sa place, c’est qu’il est un excellent vendeur de ce sport qui dépend aussi largement de la personnalité des coureurs. Une personnalité aux propos intelligent et mature. Dominique Wavre a des idées arrêtées qui sont d’une grande pertinence et enrichissent indéniablement le débat.
Q: Bienvenue au Québec Dominique Wavre. Est-ce qu’il est envisageable de vous voir participer, vous ainsi que la classe IMOCA à la Transat Québec Saint-Malo?
R: « Non! Malheureusement, tant et aussi longtemps que la Transat sera disputée à la veille du Vendée Globe, ce ne sera pas possible. Il faut savoir que le Vendée Globe est essentiellement la raison motivant l’engagement des sponsor. Les investissements sont importants et conséquemment, il est impensable de prendre le risque de deux traversée alors que nous sommes si près du départ du Vendée. Il faudrait que la Transat soit déplacée ou qu’une autre course soit organisée ».
Q: Vous avez été président de l’IMOCA. Ce fût un passage assez bref, quel est la raison pour laquelle vous n’avez pas renouvelé votre mandat? Manquiez vous de soutien?
R: « Non, cela n’a rien à voir. J’ai appelé Luc Talbourdet pour qu’il me remplace à pied levé en raison des nouveaux engagements que j’avais avec mon sponsor. Je ne pouvais pas concilier les deux engagements. Cela aurait pu poser à la fois des problèmes d’horaire et de conflit d’intérêt. Voilà pourquoi je n’ai pas renouvelé ce mandat. Mais je ne retiens beaucoup de positif de cette expérience.
Q: Vous avez parlé des nombreuses avaries. Vous avez affirmé dans votre conférence que la seule solution se trouvait dans des règles monotypes sur les carènes, les mâts et les appendices. Est-ce que vous estimez que c’est là une solution qui est souhaitable?
R: Oui! Tout à fait!
Q: C’est carrément une jauge monotype que vous préconisez-là, non?
R: Je ne pense pas. Il y a encore beaucoup de place pour l’imagination et l’innovation. Mais il faut se rappeler que ce que le public désire, c’est essentiellement des épreuves sportives qui déterminent des champions et pas nécessairement le meilleur bateau. La Volvo est riche en enseignement. Les VO70 sont fait pour des courses à la fois inshore et océanique. Il y a une incompatibilité entre l’un et l’autre. Et c’est ce qui à mon avis, est à l’origine des difficultés que rencontre la classe.
Q: Que répondez-vous alors à celles et ceux qui disent que cela risque de freiner les avancées technologiques à l’origine de progrès importants, un peu comme en F1?
R: La F1 tente depuis trois ans de réduire ses coûts d’opération. La situation actuelle coûte très chère et mène au désintéressement en raison des multiples avaries. Il faut revoir ce modèle. Quoi qu’on en dise, nous vivons dans un monde où l’économie occupe une place importante. Dans le milieu de la course au large, nous en dépendons. Conséquemment, nous ne pouvons pas mettre cela de côté.
Q: Est-ce que cela ne risque pas de diminuer la qualité du spectacle si les vitesses s’en ressentent?
R: Je ne pense pas que ce sera moins spectaculaire. Je crois que l’un de nos grands défis est de permettre donner accès au public et pour cela, il faut que la course au large soit mieux comprise. Or, les casses font mauvaise presse. La Volvo en est un exemple parmi d’autres. Moi, ce qui en définitive me préoccupe, c’est la sécurité des coureurs. Et je pense que la latitude dont disposent les équipes techniques et les architectes mènent présentement à des limites qui sont à repenser.
Q: Justement, avons-nous atteint les limites et est-ce que celles-ci ne sont pas en train d’enlever du lustre à une compétition comme le Vendée Globe quand on voit par exemple, les périmètres imposés pour contourner les zones de glace?
R: Oui, le sport en souffre un peu. Évidemment les temps sont allongés par ces mesures de sécurité. Mais depuis que le Vendée Globe existe, il y a le phénomène du réchauffement global qui s’est imposé. Cela est combiné à un accroissement spectaculaire des polaires des bateaux. Tout ça a diminué le temps de réaction presque de moitié. Il est donc totalement impensable d’envoyer des coureurs dans les zones affectées par le déplacement des glaces. Certes les options stratégiques sont moins nombreuses que jadis et cela est un inconvénient pour nous. Mais en définitive, personne n’est intéressé par une course qui présenterait des risques démesurés.
Q: Que pensez-vous des MOD 70 et du multicoque? On parle de plus en plus d’un tour du monde, cela vous intéresserait-il?
R: J’ai déjà fait du multicoque. J’ai entre autre navigué avec Jean LeCam. Pour tout vous dire, un tour du monde en équipage peut-être. Mais en solitaire ce n’est pas envisageable. D’ailleurs, à mon sens, les multicoques ne sont pas structurellement adaptés aux mers du grand sud. Les vagues sont trop longues les vents trop forts et les creux sont très casse-bateaux. Bref, c’est extrêmement dur pour des multicoques. Je crois que l’avenir du multicoque pourrait être davantage dans les courses inshores. Leur succès en ce domaine est évident. On n’a qu’à regarder ce que font les Extrêmes 40 ou même la coupe America. Les traversées de l’Atlantique sont aussi possibles quoique, encore là, on a vu des situations frôler le désastre.
Q: En dépit des difficultés économiques en Europe, le plateau du Vendée Globe est plus que respectable. Vous percevez cela comment?
R: C’est un très beau travail d’organisation et une volonté réelle des sponsors de soutenir ce sport malgré les difficultés économiques. L’aspect structurant et pédagogique y est sans doute pour beaucoup. Chez les coureurs, nous sommes évidemment ravis. Nous aurons toutefois une pensée pour celles et ceux qui n’ont pas pu mener à terme leur projet, essentiellement en raison de la crise.
VEL: Dominique Wavre, merci beaucoup et meilleur des vents pour le Vendée Globe 2012!